Des anciennes
races chevalines
Voici les différentes races de chevaux qui existaient en France, vers la
fin du XIXe siècle:
- Race Ardennaise: Comme la race franc-comtoise, la race
Ardennaise a dégénéré et il serait difficile de reconnaître dans ses représentants
actuels les descendants de ces chevaux sobres et infatigables qui, sous le
Premier Empire, étaient si recherchés dans l'armée.
- Race Auvergnate: Le cheval Auvergnat est un cheval Limousin
un peu dégénéré; il ne doit point être regardé comme formant une race mais
bien une sous-race. Le cheval d'Auvergne, comme cheval de service, jouit
d'une grande réputation, c'est une nature rustique, vraiment montagnarde;
d'une sûreté d'allures remarquables, d'une grande sobriété, énergique,
vivace.
- Race Boulonnaise: Cette race de trait se reproduit dans la
basse et la haute Picardie, dans la haute Normandie, dans l'Artois et dans
la Flandre française. Partout où il est nécessaire d'avoir un puissant
moteur, un cheval vigoureux pour accomplir de rudes travaux, on est obligé
de recourir à la race Boulonnaise; aussi est-il peu de races qui soient
aussi répandues que celle-ci. La race Boulonnaise se divise en plusieurs
variétés qui se rattachent toutes à la même souche. Ce sont: la race Bourbourienne,
la race Picarde, la race Flamande et la race Cauchoise.
Des nuances seulement séparent ces diverses branches que nous réduirons à
deux, parce que cette grande famille se présente réellement ous deux
aspects distincts: la race de trait au pas c'est la variété Flamande, et la
race de trait au trot, c'est la race Boulonnaise proprement dite. Cette
dernière appartient surtout au Pas-de-Calais et à la Somme; elle devient
Bourbourienne dans le Nord et Cauchoise dans la Seine-Inférieure. Nourrie
au grain, elle est douée d'un tempérament musculaire et d'une activité
parfois très remarquable. Elle n'atteint pas les proportions massives du
cheval Flamand et acquiert assez d'énergie pour supporter les mouvements
précipités de l'allure au trot. La variété Flamande est lourde, grossière
dans ses formes et lymphatique; elle a, d'une part, trop de poids; d'autre
part, trop peu de vitalité pour être mise à une autre allure que le pas.
Qaunt aux dénominations de Picarde et de Cauchoise, elles ne sont guère
que des désignations locales. Le cheval Boulonnais est d'une nature très
docile. Son développement précoce permet de l'utiliser, dès l'âge de
dix-huit mois, aux travaux de l'agriculture.
- Race Bretonne: La population chevaline de la Bretagne,
grand pays de production, offre de grands contrastes et peut être divisée
en trois catégories: chevaux de gros trait, de trait léger et enfin les
races légères.
- les races de trait: Le cheval de gros trait, qui occupe tout le littoral
du nord et qui se reproduit surtout dans les arrondissements de Brest et
de Morlaix, son berceau, supporte un travail long et pénible, possède une
sobriété rare dans les races du Nord, une longévité remarquable, une santé
de fer et une durable capacité de labeur, qui lui permet, dans un âge
avancé, de rendre encore des services signalés. Dans les Côtes-du-Nord, de
Saint-Malo à Lannion, exite une variété dont la physionomie accentuée
respire l'énergie et la force, aux allures courtes, il est vrai, mais
vives et faciles; une constitution excellente: ils sont doux de caractère,
durs au travail et très maniables. Malheureusement, ils sont sujets à la
fluxion périodique. La race très nombreuse du Conquet, qui habite
par masses aux environs de Saint-Renan, de Trébalu et du Conquet, possède
les bonnes qualités du cheval Breton; elle est dure au travail, et
généralement est assez recherchée. Enfin, les variétés de Tréguier, de
Saint-Brieuc et de Lamballe ont de nombreux points de ressemblance.
- les races légères: La race des "Bidets" peuple tout
particulièrement les territoires de Guingamp et de Loudéac; on la
rencontre cependant encore dans les Côtes-du-Nord et l'Ille-et-Vilaine;
dans quelques partie des arrondissements de Saint-Brieuc et de Dinan. Le
Bidet se recommande par une grande énergie, une résistance incroyable au
travail; il atteint un degré de vitesse très suffisant; il est, de plus,
d'une sobriété remarquable. Dans le Finistère et le Morbihan, on trouve
une seconde variété que l'on nomme "Double-Bidet". Il est
sobre, énergique, capable de supporter les longues abstinences. Il s'est
montré résistant contre la fatigue, les privations, l'intempérie, dans la
fameuse campagne de Russie, et a mérité qu'on lui donnât le surnom de
"Cosaque de la France". Le "Double-Bidet" fera
toujours un excellent cheval de cavalerie légère; avec lui on peut
s'attacher moins à la forme, car on est toujours sur du fond. Une autre
variété se trouve encore dans les communes des arrondissements de Savenay
et de Châteaubriant. Elle est sèche, petite, nerveuse, infatigable; elle
se reproduit en dedans, répétant avec certitude les qualités qu'elle a
puisées sur le sol et dans les circonstances au milieu desquelles elle se
trouve depuis des siècles.
- Race Camargue: le cheval Camargue vit presqu'à l'état
sauvage, on l'emploie pendant un mois environ, au moment de la moisson; le
reste de l'année, il vit en liberté. Le seul travail auquel soit employé
le cheval Camargue est le dépiquage des grains. Sa nature, sa durée et la
haute température pendant lequel il est exécuté, en font un des travaux
des plus fatigants de l'agriculture. Dès que le jour commence, vers trois
ou quatre heures du matin, les chevaux montent sur les gerbes posées
verticalement l'une à côté de l'autre, et là, marchant comme dans le plus
grand bourbier possible, ils suivent péniblement les primodiers enfoncés
dans la paille, ne sortant que la tête et le dos: cela dure jusqu'à neuf
heures. Ils descendent alors pour aller boire. Une demi-heure après, ils
remontent, et trottent circulairement jusqu'à deux heures, moment où on
les renvoie encore à l'abreuvoir. Ils reprennent le travail à trois heures
jusqu'à six ou sept et ne cessent de tourner au grand trot sur les
pailles, jusqu'à ce qu'elles soient brisées de la longueur de 3 à 6
pouces. On peut supputer que dans cette marche pénible, les chevaux font
de 16 à 18 lieues par jour, quelquefois plus, sans qu'on leur donne une
pincée de fourrage, réduits qu'ils sont de manger à la dérobée quelques
brins de paille et quelques-uns des épis qu'ils ont sous leurs pieds. Ce
travail se renouvelle assez ordinairement tous les jours pendant un mois
et plus. On a souvent essayé d'y soumettre les chevaux étrangers, ceux-ci
n'ont jamais résisté au même degré que les Camargues.
- Race Comtoise: Le cheval de race Comtoise a passé depuis un
siècle par trois phases différentes et son état actuel laisse beaucoup à
désirer. Malgré les défauts graves et nombreux de sa conformation, il
possède des qualités réelles: il est d'un caractère doux, facile à
nourrir, froid, patient, se dresse aisément, supporte un travail très
rude, à cette condition toutefois de l'accomplir lentement; mais il a peu
de nerfs, peu de vitalité, devient facilement malade et se guérit avec
peine. Par une exception bien rare, le cheval Comtois est, dans la
montagne, de taille plus élevée que dans la plaine; la qualité des herbes
et des fourrages en est cause.
- Race Landaise: Le cheval Landais dont on fait remonter
l'origine aux chevaux d'Orient, est, si nous voulons en croire la
chronique, singulièrement dégénéré. Le cheval Landais qui à plus d'un rapport
avec le cheval Camargue, se rapproche encore de celui-ci par la manière
dont il est élevé. La reproduction dans la race chevaline landaise a lieu
en liberté, au milieu des marécages et des landes où les poulinières
passent les neuf dixièmes de leur vie. Au travail, ce cheval est plein de
bonne volonté et infatigable. Comme tous les chevaux élevés loin de
l'homme, celui-ci résiste quelquefois à la domestication. En général,
cependant, il est d'un caractère doux, quoique facile à effrayer. Formée
sous l'influence des intempéries, sa constitution est robuste et
énergique, peu accessible à une foule de maladies communes, au contraire,
chez les races plus civilisées. Accoutumé à vivre de peu, le cheval
Landais n'est pas délicat sur les aliments. Il apporte néanmoins une
incroyable ardeur au travail. Les allures rapides et prolongées, qui
ruinent si vite les grands chevaux à tempérament plus ou moins
lymphatique, ne peuvent rien sur sa constitution de fer. Aussi a-t-on dit
de lui qu'il fatiguait le cavalier avant de se fatiguer lui-même.
- Race Limousine: Cette race qui, autrefois a jouit d'une
réputation européenne, a totalement disparue. Il serait bien impossible de
tracer le portrait du cheval limousin. Aujourd'hui, au lieu de ces chevaux
magnifiques qui étaient pour le pays une source de richesses, le limousin
ne possède plus que des chevaux de qualité inférieure, et encore la
production chevaline est-elle nulle depuis quelque temps.
- Race Lorraine: On donne, comme date de la formation de
cette race, les temps de guerre qui ont marqué le règne de Louis XIV. Les
habitants de la Lorraine, exposés chaque jour à se voir enlever leurs
chevaux pour la remonte et pour transporter les vivres à la suite de
l'armée, se défirent de tous les chevaux de haute stature pour ne
conserver que ceux désignés dans le pays sous le nom de "haretard".
Ces chevaux ont beaucoup de nerf; ils sont sobres et durs à la fatigue.
Leur conformation, alors qu'on la un peu rapprochée de celle du cheval de
trait, les rend plus propres aux allures accélérées qu'au tirage de
pesants fardeaux. On n'en attèle jamais moins de six à la charue; on voit
plus souvent des attelages de huit chevaux et quelquefois davantage.
- Race Percheronne: Elle constitue la population chevaline du
Perche et de l'ancienne Beauce. Il y a deux variétés de chevaux
Percherons: le Gros et le Petit Percheron. Le Gros Percheron
se trouve dans une partie de l'Eure, de l'Orne et de la Sarthe. C'est lui
qui approvisionne les grandes administrations de Paris, auxquelles il
fournit de magnifiques chevaux de trait. Le percheron léger, celui qui
courait la poste et traînait la diligence, a beaucoup de rapport avec une
variété de race Bretonne dont il est sorti. Le cheval Percheron supporte
les plus rudes travaux lorsqu'on ne lui inflige pas une vitesse supérieure
à celle que comporte sa conformation courte et ronde. Cette race possède
une vigueur remarquable et bien supérieure à ce que peut supporter la
machine. Le Percheron travaille longtemps et bien, si toutefois on a la
précaution de le faire reposer à des intervalles assez rapprochés.
- Race Poitevine mulassière: On désigne sous ce nom les
animaux dont la principale raison d'être est d'entretenir la poulinière
destinées à la production du mulet, mais aucune n'est aussi apte à cette
production que la jument du Poitou. La race Poitevine mulassière est
originaire des marais de la Vendée, immense étendue de terrain, autrefois
constamment mouillée, aujourd'hui presque complétement desséché, cependant
recouvert par les eaux dans les hivers pluvieux ou dans les grandes
inondations. Les survivants de cette souche primitive sont peu nombreux.
Deux causes, agissant dans le même sens au berceau de la race, ont amené
l'une une dégénérescence (croisement avec les chevaux pur-sang et
demi-sang), l'autre une transformation (la race s'est un peu allégée).
- Race Pyrénéenne de l'Ariège: Le Pyrénéen de l'Ariège offre
le type très accusé du cheval de montagne. Il a bien des raisons pour
cela. En effet, il vit six mois de l'année sur des plateaux herbeux, élevés
à 1000 mètres et plus au-dessus du niveau de la mer. Il y acquiert une
grande agilité, beaucoup d'adresse, une merveilleuse sûreté dans la pose
du pied, un tempérament robuste, une santé à toute épreuve, une ardeur
infatigable. C'est le bénéfice d'une existence indépendante, plus sauvage
que domestique. On n'apprécie bien les chevaux de l'Ariège qu'après en
avoir usé; mais alors on est étonné de la dépense d'énergie dont ils sont
capable, de la dureté qu'ils montrent au travail le plus fatiguant et le plus
durable. Leur réputation est faite dans les régiments de cavalerie légère;
ils y ont une excellente renommée, due aux bons services qu'on en obtient.
Sources: "Grande Encyclopédie Illustrée d'Economie Domestique",
sous la direction de Jules TROUSSET, Paris, Anthème Fayard, sans date mais fin
du XIXe siècle, tome I, col. 1085 à 1112.
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